
Il y a des jours où tu poses une question innocente au bureau et tu regrettes immédiatement d'avoir ouvert la bouche. C'est un peu ce qui m'est arrivé cette semaine. Je demande, l'air de rien :
« Question bête, les PC avec des CPU non compatibles… on les upgrade ? »
Et là, mon collègue me sort, un peu gêné :
« Si ils sont dans la liste des upgrades, oui. #Yolo »
Je sens bien qu'il n'est pas ultra convaincu non plus, mais bon... les ordres sont les ordres.
Je reste un instant perplexe. Je comprends que mon collègue ne fait qu'appliquer ce qui a été décidé en haut lieu, mais dans un environnement de production, ça fait quand même un peu froid dans le dos.
Je gratte un peu, et j'apprends avec effroi que mon chef — discrètement — aurait demandé de forcer les mises à niveau vers Windows 11 à l'aide de la fameuse ligne de commande magique :
setup.exe /product server
Cette commande contourne la plupart des vérifications de compatibilité imposées par Microsoft (comme le TPM 2.0 ou le CPU non supporté) en faisant croire à l'installateur qu'il s'agit d'une installation Windows Server.
Note importante : Cette option n'est pas documentée officiellement par Microsoft et son comportement peut varier selon les builds. Son fonctionnement n'est donc pas garanti dans le temps.
Dit autrement : on met un pansement sur un os cassé, et on espère que ça tiendra.
Petit détail technique important : Cette méthode a été partiellement patchée par Microsoft dans certaines builds Insider (notamment la build 27686 Canary en août 2024), mais elle fonctionne encore sur la plupart des builds 24H2 testées à ce jour. Si Microsoft décide de bloquer complètement cette astuce à l'avenir, une alternative existe avec setupprep.exe /product server qui n'a pas encore été patchée.
Ce qui me pique le plus dans cette histoire, c'est que j'avais déjà soulevé le sujet il y a quelques mois.
J'avais expliqué qu'il existait une méthode propre et documentée par Microsoft pour autoriser l'upgrade sur les machines non compatibles, sans trafiquer le setup. Une simple clé de registre :
HKEY_LOCAL_MACHINE\SYSTEM\Setup\MoSetup
AllowUpgradesWithUnsupportedTPMOrCPU = 1 (DWORD)
Cette approche permet d'éviter les bricolages dangereux, tout en restant dans une logique que Microsoft lui-même tolère officiellement (et qu'on peut automatiser proprement via GPO).
Et en bonus, on garde un contrôle clair sur quelles machines ont été forcées, et comment.
Pour ceux qui veulent aller plus loin, il existe aussi d'autres clés de registre pour une installation propre, notamment dans :
HKEY_LOCAL_MACHINE\SYSTEM\Setup\LabConfig BypassTPMCheck = 1
BypassSecureBootCheck = 1
BypassRAMCheck = 1
BypassStorageCheck = 1
BypassCPUCheck = 1
Mais bon, visiblement, c'était plus simple d'ignorer tout ça et de foncer tête baissée dans la zone rouge.
Soyons clairs : forcer Windows 11 sur des CPU Intel série 7 ou antérieurs (ou équivalents AMD Ryzen 1000) n'est pas un désastre immédiat.
Pour rappel, Windows 11 requiert officiellement des processeurs Intel 8e génération ou supérieur. Seules quelques rares exceptions de 7e génération sont officiellement supportées, comme le Core i7-7820HQ utilisé dans le Surface Studio 2.
Mais qu'en est-il vraiment sur le terrain ?
Les chiffres officiels de Microsoft (issus du programme Windows Insider) nous donnent une idée précise :
Dit autrement : techniquement, ça marche la plupart du temps. La différence de stabilité n'est "que" de 0.1%... mais cette petite différence représente quand même 52% de crashes supplémentaires quand ça arrive.
Et surtout, ce genre de manipulation rend le support beaucoup plus difficile :
Bref, c'est jouer avec une bombe à retardement, juste pour cocher une case "Windows 11 partout" avant de partir ailleurs.
Mon chef nous a récemment annoncé qu'il comptait partir. Et son objectif de l'année : avoir tout le parc en Windows 11.
Dit comme ça, ça a du sens — surtout avec la fin du support de Windows 10 prévue le 14 octobre 2025. Mais la méthode ? Elle en a beaucoup moins.
Son "tuto" interne renvoie vers un article du site Le Crabe Info (que j'aime bien, au passage — c'est une excellente ressource technique francophone communautaire), mais qui reprend le classique titre "putaclic" du moment :
"Installez malgré tout Windows 11 avec une simple ligne de commande"
Ce genre de contenu attire l'œil, c'est pratique pour dépanner son PC perso, mais ça ne remplace pas une stratégie IT professionnelle.
Car à la fin, ce genre d'upgrade "à l'arrache" risque surtout de laisser une dette technique monumentale à ceux qui devront gérer les machines derrière.
Sans compter qu'avec cette méthode, vous n'avez que 10 jours pour revenir en arrière vers Windows 10 si quelque chose tourne mal. Passé ce délai, les fichiers nécessaires au rollback sont supprimés pour libérer de l'espace disque.
La solution la plus saine aurait été de :
reg add HKLM\SYSTEM\Setup\MoSetup /f /v AllowUpgradesWithUnsupportedTPMOrCPU /d 1 /t reg_dword
Pour les installations propres, on aurait également pu créer un script d'automatisation qui configure les clés LabConfig avant le déploiement :
reg add HKLM\SYSTEM\Setup\LabConfig /f /v BypassTPMCheck /d 1 /t reg_dword
reg add HKLM\SYSTEM\Setup\LabConfig /f /v BypassSecureBootCheck /d 1 /t reg_dword
reg add HKLM\SYSTEM\Setup\LabConfig /f /v BypassCPUCheck /d 1 /t reg_dword
Mais voilà, on a préféré le raccourci. Et comme souvent, le raccourci finit par coûter plus cher que le chemin long.
Windows 11 n'est pas le diable. Mais le forcer n'importe comment, sur des machines de prod, avec une commande trouvée sur un blog communautaire, c'est prendre des risques bêtement juste pour faire briller ton ego plus rapidement.
Si ton objectif est juste de dire "tout le monde est sous Windows 11", alors oui, mission accomplie. Mais si ton but est de maintenir un parc stable et fiable, alors la ligne de commande magique n'est pas la solution.
Alors oui, il faudra bien migrer un jour. Mais autant le faire proprement, avec une vraie stratégie, plutôt que de léguer une bombe à retardement à la prochaine équipe.
Et puis bon … parfois, il faut savoir vider son cache (et sa colère) 😉.
💬 Pour aller plus loin : j'avais déjà écrit un article sur la fin programmée de Windows 10. Microsoft met fin au support de Windows 10 le 14 octobre 2025. Analyse approfondie des enjeux : 240 millions de PC incompatibles, impact environnemental, alternatives Linux et paradoxes de l'obsolescence programmée.
| De Tom le 30-10-2025 à 00:23 | |
| Viens bosser chez nous mon Bilou, nous on t'écoutera ;) |